Avec Cosmos Vintage nous avons décidé d’unir les acteurs du vintage, qu’ils soient professionnels du secteur, artistes ou passionnés. Nous voulons honorer la culture vintage en nous éloignant des stéréotypes à travers d’interviews, d’éditoriaux de mode et bien plus encore.

On parle mode, cinéma et argot avec Marcelle Ratafia

marcella

L’héritage du passé n’est pas composé que d’objets physiques, et Marcelle Ratafia nous rappelle ceci dans son livre « L’ABC de l’Argot, sans se fader le dico ». Parisienne aux multiples talents, son premier contact avec le vintage n’est pas venu à travers le langage, mais plutôt du monde de la mode.
Par Cosmos vintage

Comment a commencé ta passion pour le vintage?

A 7 ans, ma mère m’a offert une robe faite sur mesure par une costumière de théâtre. J’avais aussi un grand coffre plein de vieux vêtements ayant appartenu à ma grand-mère et à ma tante… Très petite, j’ai commencé à dessiner des robes années 30. Quand je voyais des vestiges de cette époque dans mon quartier, j’étais fascinée.

Puis est venue une passion pour les costumes: par le cinéma, d’abord avec « Certains l’aiment chaud » de Billy Wilder (1959), « Princess Bride » de William Goldman (1989), « Fanfan la Tulipe » de Christian Jaque (1959)… Et surtout « Les Aventures du Baron Münchausen » de Terry Gilliam (1989), c’est ce film qui m’a donné le goût pour le baroque échevelé.

C’est vrai que tu as été costumière avant de devenir écrivaine…   

J’ai voulu être costumière assez tôt, et à partir de 14 ans j’ai commencé à faire des stages bénévoles pour travailler avec des compagnies, puis à 16 ans, j’avais la responsabilité de costumer des acteurs lycéens pour un metteur en scène.

J’ai fait l’école Duperré en MANAA d’arts appliqués et un an plus tard, je suis entrée dans une école de comédie musicale, où mon goût pour la déguise a évidemment pu s’épanouir. Par la suite, j’ai intégré l’Ecole du Louvre lors de l’ouverture de la section d’histoire de la mode, et ça m’a terriblement bottée. J’ai aussi aidé à organiser les bals de la Coupole, qui étaient de somptueuses démonstrations de dandys et de danseuses burlesques.

Et puis, un jour j’en ai eu ma claque. J’ai fait un job alimentaire et j’ai un peu oublié le vintage et le rétro.  Mais il est revenu quand j’ai écrit l’ABC de l’argot!

Comment cette idée a-t-elle emergé?

L’amour de l’argot, je pense que ça vient de loin. Un jour quand j’avais 16 ans et que je prenais des cours du soir de modélisme, j’étais allée dans le quartier St Pierre pour acheter du tissu. Je demandais alors à un vendeur buriné: « tu as du sergé ? ». Il me montra une étoffe, je lui répondis que ce n’etait pas ça, le sergé. Il me rétorqua :  « ça mon p’tit, c’est du sergé, que ça te botte ou pas ». Coup de foudre immédiat pour l’homme bourru et son accent grasseyant.

Puis un jour, vers 20 ans, un ami m’a conseillé d’aller à la BIFI (la Bibliotheque du Film à Paris, fusionnée avec la Cinémathèque Française en 2007). On pouvait regarder un paquet de film au choix et j’ai choisi « Coeur de Lilas » d’Anatol Litvak (1932), avec Gabin et Fréhel. Et là, il s’est passé un genre de miracle: alors que j’avais du mal à m’identifier aux gens de ma génération, j’avais l’impression de connaître ces personnage même si je ne comprenais pas tout ce qu’ils disaient… Après, à force d’étudier des livres et des dictionnaires, je commençais enfin à comprendre de quoi ces gens causaient!

l’ABC de l’argot / Editions du Chêne

Pour les gens qui ne connaissent pas les classiques français, tu dois avoir quelques recommandations en matière de cinéma.

Dans le cinéma français des années 30, il y a plusieurs films que j’adore, mais je vais vous recommander un seul par décennie: « Sous les toits de Paris » de René Clair (1930), «Battement de cœur» de Henri Decoin (1940), et «Casque d’Or» de Jacques Becker (1952).

Le cinéma t’a donc beaucoup inspiré! On peut dire que jusque dans ta garde robe ? 

Absolument! Côté look, je suis totalement amoureuse de Barbara Stanwyck dans « Miss Melsa Manton est folle » (Leigh Jason, 1938): longue robe, platform shoes et surtout manteau en fourrure aux épaules très carrées. J’aime beaucoup aussi Claudette Colbert dans « La 8ème femme de Barbe Bleue » de Ernst Lubitsh (1938), mais ma découverte récente, c’est les tenues dingues de Jany Holt dans un autre film des années 30, « L’alibi », de Pierre Chenal.

Mon style années 40 ça fait marrer les coiffeurs et les maquilleuses qui me préparent pour « Merci Marcelle »(Rubrique de Marcelle qui décrypte l’argot, diffusé sur Canal +). Quand j’arrive et que je leur dis : « je veux une coiffure Victory Roll des années 40 », ils sont dubitatifs. Mais en réalité, j’ai vraiment un physique qui colle avec cette façon de s’habiller et de se coiffer: mes épaules sont ma fierté et j’adore les épaulettes, parce que j’ai une silhouette assez sportive. J’adore les manches larges et retenues au poignet, les cheveux surélevés devant, les talons épais et le look assez militaire des trench sanglés.

Ce qui nous amène à un autre livre que tu as écrit: L’ABC de la Mode. En le lisant, on se rend compte de ta volonté de mettre le doigt sur une mode qui fait souffrir inutilement les femmes, est ce que ton livre peut être considéré comme féministe?

Oui, c’est clairement un livre féministe, je l’ai même écrit dans la colère. Lorsque je me suis plongée dans l’histoire de la mode c’était avant le mouvement #metoo, et j’ai été choqué par la violence sociale du vêtement: oppresseur, spéciste, pilleur de cultures, élitiste, presque dangereux parfois… La mode actuelle ne m’intéresse pas mais ce que j’en vois, à mon sens, ne fait que peu bouger les lignes. Tant que la dictature du corps jeune et maigre et de la peau blanche majoritaire seront de mises, ce sera dur de voir quelque chose changer.

En revanche, je vois un changement chez les plus jeunes femmes: plus audacieuses, plus créatives, elles n’ont pas peur de casser les codes de la féminité et de paraître moins « femme ». Mais je trouve aussi que la France est un pays où la mode de la rue n’est pas si intéressante que ça, on ose beaucoup moins que partout ailleurs…

Nous allons finir pour une question standard chez Cosmos Vintage: Qu’elle est ta pièce vintage fétiche?

Sans hésiter, ma robe Louis Féraud en crêpe, dénichée sur le boncoin et agrandie par mon délicieux retoucheur turc.

Mis à part L’ABC de l’Argot et L’ABC de la mode, Marcelle a aussi écrit L’Abc du Foot en 2018. Tous ces ouvrages sont publiés aux Editions du chêne. Vous pouvez aussi la trouver dans la pastille “Merci Marcelle” dans l’émission “Pistes Noires” diffusée sur Polar +.

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